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faudra que vous me fassiez emporter de force au bas de l’échelle. Je vous en prie, ne me refusez pas la faveur de rester avec vous !

— Pauvre garçon ! murmura la grosse dame. Au moins, monsieur, reprit-elle, en s’adressant à moi, pouvez-vous nous certifier que vous êtes célibataire ?

— Hélas ! madame, je puis vous le certifier quant à présent ! Et cela me fait songer, continuai-je, que je vous serais encore bien reconnaissant de vouloir me donner une plume, de l’encre et du papier. J’ai une lettre à écrire avant que mes amis me quittent pour revenir à terre. »

Elle m’invita à la suivre ; et je descendis dans une cabine assez vaste, où nous surprîmes deux jeunes filles au travail. L’une s’occupait à polir une table, l’autre la poignée de la porte. Sur un mot de Mme Suzanne, toutes deux me saluèrent timidement, ramassèrent leurs torchons, et disparurent.

« Que peuvent bien être toutes ces femmes, à bord d’un bateau de guerre ? » me demandais-je, pendant que Mme Suzanne me préparait l’appareil dont j’avais besoin pour écrire. Après quoi, je soufflai dans mes mains, installai de mon mieux la plume entre mes doigts, et commençai ma première lettre d’amour :

Ma chérie, ces lignes sont pour vous dire d’abord que je vous aime. Sachez, après cela, que le ballon est descendu sans accident, et que votre Anne se trouve en ce moment à bord…

« Au fait, madame, comment s’appelle le vaisseau ?

— La Lady Népean, monsieur.


… du vaisseau Lady Népean, qui va de Falmouth à…

— Excusez-moi encore, madame, mais où va le vaisseau ?

— Sur la côte du Massachusetts, je crois !

— Vous croyez ? »

Elle me regarda bien en face.

« Jeune homme, me dit-elle, si vous voulez écouter un bon conseil, vous retournerez à terre !