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tion résignée, comme si ces yeux avaient perdu la force de s’intéresser désormais sérieusement à rien.

« Je crains, monsieur, de ne pas vous avoir bien entendu !

— Sera-t-il trop indiscret, répondis-je, de vous demander ce qu’est votre vaisseau ?

— C’était jusqu’à présent un bateau de poste, monsieur, relevant de la flotte anglaise. Mais le vieux pennon est abattu, comme vous pouvez le voir ! À présent, le vaisseau part sous commission privée.

— Eh bien ! dis-je, l’expédition me tente ! Capitaine…

— Colenso.

— Capitaine Colenso, acceptez-moi pour passager à votre bord : je ne dis pas pour compagnon d’armes, étant d’une incompétence absolue en fait de guerre navale. Mais je veux payer largement… »

Là-dessus, une inquiétude affreuse me vint. Je tirai, de ma poche le sac de Flora, et bénis le ciel en découvrant que la chère créature avait eu la précaution de doubler ce sac en toile imperméable.

« Capitaine, dis-je, permettez-moi de dire deux mots en particulier à mon ami, ici présent ! »

Je pris Byfield à part, et lui demandai :

« Eh bien ! mon pauvre ami ! Et les banknotes ? Est-ce que l’eau salée… ?

— Voyez-vous, me répondit-il, je suis sujet depuis quelque temps à des aigreurs d’estomac, de telle sorte que je ne fais jamais une ascension sans emporter avec moi une bouteille de sels d’Epsom, hermétiquement bouchée !

— Et vous avez jeté les sels, et introduit les billets à la place ? Tous mes compliments, mon cher Byfield ? »

Puis, revenant vers le capitaine Colenso :

« Je vous en prie, monsieur, ne refusez pas de m’accepter pour passager à votre bord !

— Je crains que vous ne plaisantiez, monsieur ?

— Non, non, je vous jure que je ne plaisante pas ! »

Il hésita, fit quelques pas en long et en large, et se dirigea vers le porte-voix.