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Le vent nous poussait vers la ville, le long de la rivière, à cent pieds à peine au-dessus de l’eau. Sur les ponts des bateaux, des visages effarés nous considéraient. De l’un de ces bateaux, on décrocha une barque pour nous poursuivre ; mais nous étions déjà loin lorsque la barque fut lancée à l’eau.

« Il n’y a pas à dire ! s’écria Byfield. Nous devons descendre ici, ou bien nous allons tomber à la mer ! »

Et il ouvrit la soupape. Dès l’instant suivant, un grand choc se produisit, qui me renversa sur le plancher. Et, au même instant, j’entendis Byfield pousser un formidable juron. Me relevant au plus vite, je découvris que nous avions atterri sur un petit toit, dominant une cour, semée de gravier ; et, au milieu de cette cour, paralysés de stupeur, nous regardaient une vingtaine de soldats anglais que nous venions d’interrompre dans un exercice.

« Monsieur Byfield, m’écriai-je, mieux vaut infiniment que nous tombions dans la mer ! En ma qualité de maître de ce ballon, je vous ordonne de repartir et de nous faire descendre dans les environs du brig que j’aperçois là-bas ! je vois qu’il nous observe, et se prépare déjà à lancer une chaloupe ! »

Le digne Byfield ne refusa pas de m’obéir. Le Lunardi se releva de nouveau, puis, s’abattant de la falaise comme une mouette, il descendit dans l’eau, à une longueur de câble sur la gauche du brig.

Déjà l’eau envahissait la nacelle, que les vagues ballottaient effroyablement. Incapables de rien voir, nous étions accroupis sur le plancher, lorsque nous entendîmes un cri derrière nous, puis un bruit de rames, et une main m’empoigna par le cou. Ainsi, l’un après l’autre, nous fûmes repêchés, et ainsi s’acheva ce que M. Sheepshanks définit « un épisode sans précédent dans les annales de l’aérostation ».