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je m’appuyai sur le rebord de la nacelle, pour jouir du spectacle, non sans lancer quelques coups d’œil du côté de l’aéronaute, qui se tenait debout, mordillant ses ongles, à l’extrémité opposée de la nacelle.

Le brouillard s’était dissipé, et le sud de l’Écosse s’étendait au-dessous de nous, d’une mer à l’autre, comme une immense carte géographique, d’une seule teinte. Ou plutôt je reconnaissais déjà l’Angleterre, avec les collines du Cumberland, semblables à de petites mottes de terre, à l’horizon : et tout le reste plat comme une soucoupe. Des fils blancs, des routes, reliaient les villes entre elles ; et celles-ci, en quelque façon, s’étaient recroquevillées sur elles-mêmes, contractant leurs faubourgs comme un limaçon ses cornes.

Tout à coup Byfield me frappa sur l’épaule :

« Monsieur Ducie, j’ai réfléchi à votre proposition et je l’accepte. C’est une situation bien fâcheuse.

— Pour un personnage public ! insinuai-je aimablement.

— Non, monsieur ! Je vous en prie, n’insistez pas ! Vos paroles m’ont déjà fait suffisamment souffrir, d’autant plus que je suis bien forcé d’y reconnaître une part de vérité ! Un aéronaute, monsieur, a son ambition. Comment ne l’aurait-il pas ? À ses propres yeux, il est quelque chose de plus qu’un simple bateleur, quoi que vous puissiez croire, et le public avec vous ! »

Le malheureux était profondément ému : je lui tendis la main.

« Monsieur Byfield, dis-je, je vous ai parlé brutalement ! Permettez-moi de retirer mes paroles ! »

Il secoua tristement la tête.

« Elles étaient vraies, monsieur ! du moins en partie !

— Allons, allons, mon cher ami, n’en croyez rien ! Tenez, voici l’argent ! Et, maintenant que vous l’avez reçu, je vous donne, en outre, ma parole d’honneur la plus sacrée que ce n’est pas un criminel que vous êtes en train de sauver !… Combien de temps pensez-vous que le Lunardi puisse se maintenir dans les airs ?