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« Il va partir bientôt, hein, Jack ?

— Ma foi je n’en sais rien !

— Mais quand donc qu’il partira ?

— Peut-être qu’il ne partira pas ! »

J’eus l’impression que, si l’on était venu pour enterrer Byfield, et non pour admirer ses prouesses aériennes, on n’aurait pas apporté à la cérémonie plus de tristesse et de maussaderie.

Pendant ce temps Byfield lui-même, debout dans la nacelle, sous un dais flottant de couleur bleu pâle, dirigeait les derniers préparatifs, d’un air à peine moins maussade. Sans doute il était occupé à supputer la recette. Au moment où j’arrivai près de lui, ses assistants avaient achevé de pomper le gaz hydrogène, et le Lunardi se balançait doucement au-dessus de nos têtes, maintenu par ses cordes. Au même instant, quelqu’un me donna une bourrade, par derrière, qui faillit me faire tomber dans la foule.

« Ducie, quelle aimable surprise ! Compagnon de mes joies et de mes angoisses, comment va votre santé ? »

C’était l’étonnant Dalmahoy. Il était là, debout au pied du ballon, se cramponnant d’une main à l’une des douze cordes de la nacelle, avec la mine d’un homme tout absorbé par un grand et important travail.

« Excusez-moi de ne pouvoir me promener avec vous ! Mais, vous voyez, c’est moi qui retiens l’appareil ! Je devais bien ce petit service à notre ami Byfield, qui va nous quitter aujourd’hui pour explorer des domaines inaccessibles aux pieds humains. Un mouvement de ce couteau, et la corde sera coupée ; notre ami commun escaladera l’empyrée ! Si au moins il pouvait ne pas en revenir ! » reprit-il avec un sourire de blasé.

Il acheva son discours par une imitation vocale d’un cornet d’un postillon. Levant les yeux, j’aperçus alors la tête et les épaules de Byfield, se projetant au-dessus du rebord de la nacelle.

« Monsieur Ducie ! cria l’aéronaute. Comment, vous aussi, et dans quel état ! Par pitié, éloignez-vous ! J’ai déjà