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cachées par la pierre, je leur aurai fait l’effet d’une vieille duègne ! »

Notre déjeuner était fini, mais nous avions encore bien des choses à nous dire. Délicieuses minutes de folie, je ne puis y songer aujourd’hui sans que tout mon être frémisse de bonheur ! Mais ces minutes furent brèves, car de nouveau un bruit de pas nous donna l’alarme. Cette fois, le passant était un vieux fermier, avec un plaid de berger et un bonnet fourré. Il s’arrêta devant nous et hocha la tête, en s’appuyant tout entier sur son gourdin.

« Un triste temps pour une expérience ! Je me demande ce que ça va donner ? Mais tout de même, dites donc, nous devons nous dépêcher ! Je suis déjà en retard ! »

Et il disparut. Qu’est-ce que cela pouvait bien signifier ? Nous écoutâmes le bruit de ses pas, s’éloignant sur le chemin. Et, tout à coup, je sautai sur mes pieds, et saisis la main de Flora.

« Écoutez donc ! Mon Dieu ! qu’est-ce que cela signifie ?

— On dirait une chanson écossaise que je chante souvent, le Caledonian Hunt’s Delight, jouée par une fanfare ! » répondit Flora.

Pendant quelques instants, nous nous regardâmes dans les yeux, de plus en plus surpris. Puis Flora passa la tête au dehors, et examina le sentier.

« Vite, Anne, sauvons-nous ! Voilà d’autres gens qui arrivent ! »

Laissant éparses les reliques de notre déjeuner, nous nous mîmes à gravir le sentier, la main dans la main. Cent pas, et tout à coup le sentier, d’un brusque détour, nous déposa au plus haut de la colline. Et nous nous serrâmes l’un contre l’autre, épouvantés.

Droit au-dessous de nous s’étendait une prairie toute recouverte d’une foule de deux ou trois cents personnes et, au-dessus de cette foule, tassées comme un essaim d’abeilles noires, nous vîmes flotter, au rythme sentimental du Caledonian Hunt’s Delight, un objet mystérieux