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— Attendez ! laissez-moi réfléchir ! »

Elle releva de nouveau son éventail ; et je vis qu’un effort de pensée donnait à ses yeux une teinte plus sombre.

« Vous connaissez, dit-elle, la colline devant laquelle on passe, au delà de Swanston ? Ronald et moi, depuis notre enfance, nous l’appelons le Dos de Poisson, car elle porte, au sommet, un bouquet de sapins qui a l’air d’une nageoire. De l’autre côté de la colline, il y a une carrière. Si vous pouvez vous trouver là, à huit heures, demain matin, je crois que je saurai m’arranger pour venir vous apporter moi-même votre argent. »

Mon’cœur bondit de joie à cette proposition. Mais non, j’avais à être sage ! Et je répondis :

« Pourquoi vous exposer en personne à un tel risque ?

— Je vous en prie, Anne, oh ! je vous en prie, s’écria-t-elle, laissez-moi faire quelque chose ! Si vous saviez ce que c’est, de rester assise à la maison pendant que… celui pour qui l’on vit… »

« Le vicomte de Saint-Yves ! »

Ce nom, aboyé à la porte, coupa la phrase déjà hésitante de Flora, comme le glas d’une cloche d’alarme. Et déjà sur le seuil, le lorgnon en main, épanoui, flamboyant, outrageusement pommadé, se dressait mon détestable cousin.

Aussitôt je quittai Flora, pour aller me cacher au fond de la salle. Et j’eus besoin d’une adresse et d’une chance qui, aujourd’hui encore, m’étonnent, pour parvenir à rejoindre la porte d’entrée, de proche en proche, le visage presque toujours tourné contre le mur, sans être aperçu de mon ennemi.

Mais à peine étais-je parvenu à la porte d’entrée, que je vis, debout devant le vestiaire, l’homme au gilet de moleskine, occupé à échanger des signaux avec d’autres hommes que, sans doute, mon cousin avait postés au bas de l’escalier.

Que le lecteur juge de l’agrément de ma situation ! Es-