retenir. Je remerciai le petit homme, en lui disant que je préférais attendre des amis ; et, à demi caché dans mon coin, j’attendis.
Sans cesse d’autres invités faisaient leur entrée, que le vieux domestique accompagnait d’un hurlement de plus en plus solennel. Et bientôt j’entendis hurler :
« Miss Gilchrist, miss Flora Gilchrist, monsieur Ronald Gilchrist ! »
Le premier de ces noms me fit trembler de tous mes membres. Mais la vue de ma chère Flora eut vite fait d’effacer toutes mes alarmes ; et je me souviens que je me réjouis même de constater que, du moins, l’odieux Chevenix s’était réellement trouvé empêché de monter sa garde pendant la soirée. La salle était grande, la foule s’entassait ; je pus me dissimuler sans le moindre embarras. La vieille fille, d’ailleurs, ni personne de la famille, n’avait cru que je me risquerais à venir au bal, après les avis publiés dans les journaux à mon sujet. Le fait est que, à peine entrée, la terrible dame s’en alla tranquillement vers la salle de jeu ; et Ronald, à qui elle avait confié la garde de Flora, ne tarda pas à être magnétiquement fasciné par l’abondante beauté de la demoiselle dont j’avais eu un instant la folle pensée de lui disputer les faveurs.
Ainsi, par une grâce spéciale de la Providence, j’eus le bonheur de voir Flora séparée de ses deux gardiens. Déjà une nouvelle nuée de vagues petits jeunes gens commençait à se former autour d’elle ; mais je n’eus pas de peine à dissiper la nuée, ou plutôt à la franchir sans la dissiper entièrement, de telle manière que cette réunion de timides et obstinés soupirants fut pour nous comme un rempart supplémentaire, pendant les courtes minutes de notre entretien.
Flora avait pâli en m’apercevant ; mais, chez elle aussi, le plaisir avait tout de suite effacé la crainte. Elle me salua le plus poliment du monde, comme si c’était la deuxième ou la troisième fois qu’elle m’eût rencontré, me