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pour ce qui est d’être une brave femme, c’en est une ! »

Une chose, en tout cas, était sûre : Rowley, ce matin-là, ne pouvait pas être admis à me raser sans une imprudence téméraire. Je le renvoyai dans son lit, avec consigne d’y rester jusqu’à nouvel ordre ; et je procédai moi-même à ma toilette, d’une main à peine moins tremblante, d’ailleurs, que la sienne. Il avait eu beau dire : la perspective de Mme Mac Rankine ne me souriait guère.

Elle me souriait si peu, en vérité, que je me mis à tisonner le feu lorsque j’entendis approcher ma terrible hôtesse. Elle déposa sur ma table mon déjeuner et le Mercure, et se tint immobile, les mains sur les hanches, dans une attitude de provocation.

« Eh bien ! Mme Mac Rankine ? commençai-je, en levant sur elle un regard timide.

— Eh ! bien !… Hum ! »

Suivit un silence tragique.

« Madame, dis-je enfin, je vois bien que vous voulez que nous partions d’ici ! Soit ! Accordez à Rowley une journée pour se remettre, et demain vous serez délivrée de nous ! »

Sur quoi, sans toucher au déjeuner, j’allai prendre mon chapeau.

« Et où allez-vous ? demanda brusquement Mme Mac Rankine.

— Chercher un autre logement

— Malheureux, ne faites pas ça ! Prenez garde ! Et moi qui n’ai pas fermé l’œil de toute la nuit ! »

Elle s’abattit dans un fauteuil.

« Non, monsieur Ducie, vous ne ferez pas ça ! Pensez à cet agneau innocent !

— Rowley ?

— Il est trop jeune pour mourir ! gémit mon hôtesse.

— Hé ! m’écriai-je. Croyez-vous donc que je réclame sa mort ? »

Je fis un pas vers la porte, puis revins m’asseoir près du feu.

« Madame Mac Rankine, dis-je, je vois que vous avez