tenir et de le guider, de le rétablir continuellement sur ses jambes. D’abord il se mit à chanter, avec des accès soudains d’un rire sans cause. Puis, peu à peu, se produisit une mélancolie inarticulée. Parfois il pleurait doucement, ou bien il s’arrêtait au milieu du chemin, me déclarait, d’un ton résolu : « Non, non, non, mylord ! » et tombait sur son dos. Je crains fort de n’avoir pas toujours eu pour lui, dans cette circonstance, toute la douceur qu’il aurait fallu ; mais en vérité la position était intolérable. Nous n’avancions pas, le temps passait ; et nous n’étions pas encore à mi-chemin d’Édimbourg lorsque nous entendîmes venir brusquement derrière nous tout le Senatus academicus de l’Université de Cramond.
Tous les membres de cette assemblée étaient, comme l’on pense, fortement éméchés, sans que personne d’eux cependant pût se comparer sous ce rapport à mon pauvre Rowley. L’ivresse leur avait simplement donné une humeur taquine et provocante qui m’inquiétait quelque peu pour ma rentrée en ville. Ils braillaient des chansons, jouaient à saute-mouton, s’escrimaient avec leurs cannes et leurs parapluies.
Et le fait est que mes alarmes se trouvèrent amplement justifiées. Bientôt mes compagnons se mirent à arrêter tous les passants en les saluant sous des noms d’une libre fantaisie. Un brave homme qui nous regardait avec une surprise scandalisée, apprit tout à coup, de la bouche de Forbes, que le Sénat de l’Université de Cramond venait de lui conférer le titre de licencié ès arts ; en signe de quoi le pauvre homme se vit enfoncer son chapeau sur les yeux. Que l’on imagine l’inquiétude du pauvre Saint-Yves, condamné à la société de ces folâtres jeunes gens, dans une ville où son cousin et toute la police étaient à sa recherche ! Cependant, nous avions pu poursuivre notre chemin sans encombre, malgré le tapage effroyable que faisaient mes compagnons, lorsque tout à coup Byfield, et moi, qui étions restés un peu en arrière à cause de l’encombrante compagnie de Rowley, nous regardâmes dans les yeux et