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espoir pouvait être désormais dans une audace intrépide ! L’effort avait été trop long, trop continu : mes nerfs avaient cédé.

Je tombai dans ce qu’on appelle une frayeur panique, et dont j’avais vu autrefois plus d’un exemple, en Espagne, pendant les alarmes des attaques de nuit. Je m’enfuis de Princes’s Street, au hasard, comme si j’avais eu le diable sur mes talons. Dans St Andrew Square, j’ai vaguement le souvenir d’avoir entendu quelqu’un m’appeler. Sans paraître y faire attention, je pressai ma course. Un moment après, une main se posa lourdement sur mon épaule ; et je crois bien que je m’évanouis. Pendant quelques secondes, sûrement, je ne vis que du noir autour de moi ; et, lorsque cette crise fut passée, je me trouvai, debout, face à face avec le joyeux extravagant que j’avais rencontré à dîner le soir de mon arrivée à Édimbourg. En quel état j’étais, je n’ose point me le figurer : pâle comme un mort, sans doute, tremblant de tous mes membres, essayant de balbutier des mots qui ne voulaient point sortir de mes lèvres. Et c’était là le soldat de Napoléon, le gentilhomme qui avait la ferme intention de se rendre, le lendemain soir, dans un lieu où toute la ville allait se rassembler !

Dès que je pus reprendre mon souffle, je m’excusai de mon mieux. Je fis entendre que j’étais d’un tempérament très nerveux, aggravé encore par de longues insomnies ; je ne pouvais pas supporter la moindre surprise.

Mon jovial interlocuteur parut tout à fait désolé.

« En effet, dit-il, il faut que vous soyez dans un triste état ! bien que, naturellement, tout ceci soit ma faute ! J’ai agi comme une brute, ma vulgarité m’écœure ! Mille excuses, mon jeune ami ! Mais vraiment vous avez l’air bien bas : vous devriez consulter un médecin ! Et, en attendant, un cheveu du chien qui vous a mordu va sûrement vous remettre d’aplomb. Que diriez-vous d’un bon verre de whisky ? Oui, je sais, il est encore bien tôt pour commencer à s’enivrer : mais est-ce que des hommes