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science ; et sans doute l’issue du conflit resterait long-temps encore indécise. Mais je me demandais comment je devais me comporter avec elle. Aborder moi-même le sujet me semblait bien imprudent. Je me félicitais de ma sagesse passée, qui m’avait conduit à me faire d’elle une amie ; mais je ne savais toujours pas quelle devait être, à son égard, ma conduite présente. Je voyais un danger égal à renouveler comme à négliger mes marques de familiarité des jours précédents. L’une des deux attitudes pouvait être prise pour de l’impudence, l’autre constituait un aveu effectif de culpabilité. C’est dire que je me sentis considérablement soulagé lorsque la brume du soir descendit enfin sur les rues d’Édimbourg, et que la voix du veilleur de nuit me décida à sortir de chez moi.

Vers sept heures, je me trouvais dans le voisinage de la maison de Flora. Mais voici que, en gravissant le sentier qui mène au mur du jardin, j’eus la surprise d’entendre venir jusqu’à moi l’aboiement d’un chien. J’avais déjà entendu aboyer des chiens, les autres fois, mais de très loin, du hameau perché au sommet de la colline. Cette fois, le chien était dans le jardin ; il hurlait de toutes ses forces, dans un paroxysme de fureur, et je l’entendais sauter au bout de sa chaîne.

J’attendis quelques minutes que l’accès de passion de la bête se fût calmé. Puis, avec des précautions extrêmes, je me rapprochai et arrivai enfin tout contre le mur. Mais à peine avais-je passé la tête par-dessus le mur, que l’aboiement recommença avec une énergie redoublée. Et, au même instant, la porte de la maison s’ouvrit. Ronald et le major apparurent sur le seuil, avec une lanterne. Debout là, ils se trouvaient immédiatement au-dessous de moi, fortement éclairés. Le major s’efforçait d’apaiser le chien, qui grommelait méchamment, avec, de temps à autre, un cri plus fort.

« Une bonne idée que j’ai eue, d’amener Towzer ! dit Chevenix.

— Je me demande où il peut bien être ? dit Ronald, en