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— Oui, dit-elle, cela se peut. Telle est en effet son habitude.

— Eh bien ! réponde-je, j’aurai à éviter la salle de jeu, où, d’ailleurs, je n’avais point l’intention d’entrer. Je ne suis pas venu ici pour jouer aux cartes, mais pour contempler une certaine jeune dame, pour repaître mon cœur de sa vue, et puis aussi pour lui communiquer quelques bonnes nouvelles.

— Mais il y a encore Ronald, et le major, insista-t-elle. Ceux-là ne sont point des joueurs de cartes ! Ronald va et vient d’une pièce à l’autre. Et quant à M. Chevenix…

— Il reste toujours assis auprès de miss Flora ? interrompis-je. Et ils causent ensemble du pauvre Saint-Yves ? Oui, j’ai bien deviné cela, ma chère bien-aimée, et M. Ducie est venu y mettre bon ordre ; mais par grâce, ne vous inquiétez pas ! Je ne crains personne que votre tante !

— Et pourquoi cela ?

— Parce que votre tante est une dame, et une dame des plus remarquables, et, comme toutes les dames remarquables, une dame très vive ! répondis-je. Avec les personnes de ce genre, on ne peut jamais compter sur rien, à moins qu’on puisse d’abord les tenir dans un coin, et causer raisonnablement en tête-à-tête avec elles. Si elle m’apercevait ici, votre tante serait parfaitement capable de faire un scandale, sans la moindre considération pour le danger que je cours, ni pour les sentiments de notre hôte.

— Et Ronald est dans le même cas ! dit-elle. Le croyez-vous donc incapable de faire un scandale ? Il faut que vous le connaissiez bien peu !

— J’ai au contraire la prétention de le connaître fort bien ! répondis-je. Je dois seulement manœuvrer de manière à aborder Ronald moi-même le premier, au lieu qu’il m’aborde !

— En ce cas, par pitié, allez vite l’aborder ! supplia Flora. Il est là, tenez, le voyez-vous, au fond de la salle, en train de parler à cette jeune fille en rose !