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III

Le major Chevenix entre dans l’histoire, et Goguelat en sort.


Goguelat était évidemment perdu. Aussi ne laissa-t-on pas échapper un moment pour l’interroger, pendant qu’il était encore capable de répondre. Ses réponses furent d’ailleurs invariables : il affirma qu’il s’était donné volontairement la mort, parce qu’il en avait assez de voir tant d’Anglais. Le médecin eut beau soutenir que l’hypothèse du suicide était impossible, vu la nature de la plaie et sa direction. Goguelat répondit qu’un soldat français savait faire bien des choses dont un médecin anglais n’aurait jamais l’idée. Il dit qu’il avait enfoncé l’arme dans le sol, et s’était jeté sur la pointe. Le médecin, qui était un petit homme propret, rubicond, et d’humeur impatiente, pesta, jura, maudit le pauvre diable. « Rien à faire de lui ! criait-il. Une brute sans pareille ! Si du moins on pouvait retrouver l’arme ! » Mais l’arme avait cessé d’exister. Tout au plus aurait-on pu découvrir, dans plusieurs coins, des morceaux de baguettes dispersés ; et peut-être, à l’air frais du matin, dans la cour, quelque dandy en livrée soufre et moutarde occupé à se rogner les ongles avec une paire de ciseaux !

N’obtenant rien de Goguelat, les autorités ne manquèrent point de s’adresser à nous. Nous eûmes à subir interrogatoire sur interrogatoire, tantôt séparément, tantôt par deux ou trois. Nous fûmes menacés de toute sorte de sévérités impossibles, et tentés par la promesse de toute