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pas encore songé à m’en informer ! Je sais seulement que mon amie est une bonne chrétienne, et cela me suffit !

— Oui, sans doute, soupira mon hôtesse, si elle l’est réellement ! Il reste un peu de christianisme au fond de bon nombre de dénominations, je ne le nie pas. Il en reste un peu chez les Mac Glashanites, un peu chez, les Glassites, davantage encore chez les Mac Millanites ; et je dois même dire qu’on en retrouverait un atome jusque chez les membres de l’Église Établie.

— J’ai même connu, hasardai-je, quelques papistes qui étaient d’assez braves gens !

— Fi ! monsieur Ducie, vous n’avez pas honte ? s’écria-t-elle.

— En vérité, chère madame…

— On ne doit jamais plaisanter dans les matières sérieuses ! » fit aigrement la dame.

Mais, dans l’ensemble, elle accueillit la confidence de notre idylle avec avidité, comme un chat lèche ses moustaches sur un plat de crème. Et, chose étrange à dire, moi-même j’éprouvai une satisfaction presque égale à pouvoir déverser le trop-plein de mon cœur dans cette poitrine desséchée : tant on a raison d’affirmer que l’amour est, par essence, une passion expansive ! Et ma confidence eut encore pour résultat de créer entre nous un lien d’intimité. Dès ce moment, je sentis que mon austère hôtesse était devenue mon amie ; et, en vérité, je n’eus que fort peu de peine à lui persuader de se joindre à nous, ce soir-là, pour le thé. Que le lecteur imagine cet étrange trio, Rowley, Mme Mac Rankine, et le comte de Saint-Yves !