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n’étaient pas moins bons. Le patron et tous les domestiques de l’auberge étaient couchés et ronflaient déjà depuis longtemps. Que ce fût par un don naturel ou par une habitude acquise, ils pouvaient s’accommoder de dormir comme des momies, dans la cuisine, pendant que le plus affreux vacarme se faisait à quelques pas de là. Et ce fut dans ladite cuisine que mes nouveaux amis m’entraînèrent ; ils comptèrent le nombre des paillasses et celui des dormeurs, m’offrirent de me mettre sur l’une des paillasses avec le garçon d’écurie, me proposèrent de mettre le garçon d’écurie sur le plancher pour m’installer à sa place, tombèrent sur les chaises, et firent assez de tapage pour réveiller des morts : tout cela illuminé par le même jeune porteur de torche, mais qui maintenant tenait deux chandelles, et, de plus en plus, sans cesser de nous asperger de suif, devenait lui-même pareil à un homme écrasé sous une tourmente de neige.

Enfin un lit fut trouvé pour moi dans un cabinet voisin, mes aimables hôtes m’aidèrent à me débarrasser de mes vêtements, qu’ils se chargèrent eux-mêmes de mettre à sécher devant le feu du salon ; je pus m’étendre, me reposer, et, bientôt, m’endormir.

Quand je m’éveillai, vers neuf heures, avec un beau soleil m’éblouissant les yeux, l’aubergiste en personne accourut à mon appel, m’apporta mes vêtements, tout à fait secs et dûment brossés, et me communiqua la bonne nouvelle que tout le Club des Six Pieds de Haut était enfin allé se coucher. Mais la question de savoir où ils pouvaient bien s’être couchés resta une énigme pour moi jusqu’à ce que, en sortant de l’auberge par la petite porte du jardin, j’aperçus une étable où, à ma grande surprise, toutes les têtes rouges de mes gigantesques amis se trouvaient mêlées dans la paille, comme des prunes dans une tarte.

Le soleil brillait gaiement lorsque je me mis en route ; l’air était rempli d’un parfum presque printanier ; et tout cela, joint au bon repos que je venais de prendre, achevait