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là-dessus, et vous allez me montrer vos papiers ou bien venir avec moi devant le magistrat. Faites votre choix ! Si vous ne me jugez pas d’assez bonne compagnie pour me montrer vos papiers, c’est au magistrat que vous les montrerez !

— Mais, mon brave homme, balbutiai-je, vous avez là des façons bien extraordinaires ! Est-ce donc l’usage, dans le Westmoreland, que les gentlemen soient insultés dans les auberges où ils viennent loger ?

— Cela dépend, répondit-il. Lorsque ces gentlemen sont soupçonnés d’être des espions, oui, c’est l’usage, — et un excellent usage, j’ose le dire !

— Eh bien décidément, non ! m’écriai-je, à tout hasard et pour gagner du temps. Non certes, mon cher monsieur, je ne vous montrerai pas mes papiers ! Et je ne vais pas non plus me lever de table pour aller voir vos magistrats ! J’ai trop de respect pour ma digestion, et ma curiosité de connaissances nouvelles ne va point jusque-là ! »

Il se pencha en avant, me regarda bien en face et étendit une de ses mains vers le cordon de la sonnette.

« Voyez-vous ce cordon, mon petit jeune homme ? Un coup de sonnette, et mon domestique va chercher le constable !

— En vérité ? fis-je, en haussant les épaules. Savez-vous que vous m’amusez fort ? Savez-vous que vous êtes un personnage tout à fait intéressant ? »

L’homme continuait à étudier mon visage sans rien dire, sa main toujours posée sur le cordon de sonnette, ses yeux toujours fixés sur les miens. C’était l’instant décisif.

« Vous avez là un vin d’excellente qualité ! » risquai-je enfin.

Ma voix n’était pas aussi ferme que je l’aurais souhaitée, et je l’entendais trembler au dedans de ma gorge ; mais l’aubergiste, sans doute, ne s’aperçut point de ce tremblement. Il cessa de m’examiner, aspira fortement, et sa main lâcha le cordon de sonnette.