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murmura-t-elle. Non, malgré toutes ses fautes… un « malfaiteur » serait un peu trop dire !

— Quoi qu’il en soit, il est dans son tort, au point de vue légal du moins ! » répondis-je.

Sur quoi, nos quatre cavaliers se trouvant par hasard assez en avance de nous, j’appelai mon postillon et lui demandai où demeurait le magistrat le plus voisin. Il me nomma un certain archi-doyen qui demeurait un peu sur le côté de la route, à un mille ou deux. Je lui montrai l’image du roi sur une pièce d’argent.

« Conduisez-nous chez ce doyen, et au galop ! lui criai-je.

— Parfait, monsieur ! Attention ! Gare là ! » s’écria le postillon.

Une minute après, la chaise avait tourné, et nous galopions vers le sud.

Les cavaliers n’avaient pas tardé à remarquer et à imiter la manœuvre ; ils accoururent vers nous avec toute sorte de cris confus, de telle manière que la fine et délicate image d’un convoi d’honneur, que nous présentions il y avait à peine un moment, se trouvait tout à coup transformée en l’image effarée et bruyante d’une chasse au renard. Les deux postillons et mon coquin de valet, naturellement, ne prenaient part à la comédie qu’en figurants désintéressés ; mais tout autre était le cas de Bellamy. Quand il s’approcha de nous, je vis que son visage était livide et qu’il avait à la main un pistolet.

« Par pitié, ne le laissez pas me tuer ! criait ma compagne.

— Ne craignez rien ! » répondis-je.

Elle était affolée de terreur. Ses mains se cramponnaient à moi avec un geste d’enfant épouvantée. Tout à coup la chaise fit un saut, qui nous renversa tous deux sur notre siège. Et, juste au même instant, la tête de Bellamy se montra à la fenêtre, du côté où s’était trouvée la jeune femme avant ce petit accident.

Que l’on imagine notre situation ! Ma compagne et moi