surtout, d’emporter ces habits, ces gilets, ces cravates et autres panoplies que vous avez trouvées ici ! Je pense bien que vous n’allez pas courir la poste en dandy ! Ayez au moins un peu de bon sens !
— Excusez-moi, monsieur, répondis-je, mais j’estime que vos spirituelles observations, ici, portent à faux. Ces effets vont être mon déguisement ; et puisque je ne puis en prendre qu’un petit nombre, n’ai-je pas, avant tout, le devoir de bien les choisir ? Ne comprenez-vous pas quel doit être désormais mon objet ? C’est d’abord de me rendre invisible et, en second lieu, de me rendre invisible en chaise de poste et en compagnie d’un valet attaché à ma personne. Et ne voyez-vous pas combien la chose est délicate ? I ! faut que rien ne soit trop rude ni trop élégant, rien de voyant, rien qui détonne, de telle façon que je laisse partout l’image banale d’un homme suffisamment riche, voyageant d’après toutes les règles, l’image d’un jeune homme que le maître d’auberge oubliera en quelques heures, et que la servante, peut-être, se rappellera avec un soupir. Il faut que ma mise soit en accord avec le portefeuille en cuir de Russie qu’on verra me suivre, sous le bras de mon domestique ! »
Ceci me ramena à la pensée le portefeuille en question. J’allai le prendre et le considérai avec émotion.
« Oui, dis-je, ce portefeuille fait de moi un homme nouveau. Son aspect seul suffit pour me classer dans l’opinion de tous ; il signifie que j’ai un homme d’affaires ! Je souhaiterais seulement qu’il contînt moins d’argent. Je tremble un peu devant la responsabilité de porter sur moi une somme aussi énorme. Ne ferais-je pas mieux de prendre cinq cents livres et de vous confier le reste, monsieur Romaine ?
— Si vous êtes sûr de n’en avoir pas besoin d’ici longtemps, oui ! répondit Romaine.
— Je suis loin d’en être sûr ! m’écriai-je. D’abord, en tant que philosophe, c’est la première fois que je me trouve à la tête d’une grosse somme, et je ne me connais