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bonne volonté, cher monsieur Romaine ! Mais je reste toujours de la même opinion. Aussi longtemps que je n’aurai pas revu une certaine jeune dame, rien au monde ne me contraindra à quitter la Grande-Bretagne. Et puis, il y a encore… »

Après ces mots, je m’arrêtai brusquement. J’avais été tout près de lui conter l’histoire des conducteurs de bestiaux ; mais, fort heureusement, la réflexion me vint avant qu’il fût trop tard. Le fait est que l’indulgence du notaire devait avoir une limite. Déjà, je lui avais avoué que j’avais tué un homme avec une paire de ciseaux ! Allais-je lui avouer maintenant que j’en avais assommé un autre avec un gourdin de houx ?

« Bref, monsieur, repris-je, ceci est une affaire de cœur, et rien au monde ne m’empêchera de retourner à Édimbourg. »

Je crois que, si je lui avais tiré un coup de pistolet dans l’oreille, il n’en aurait pas été plus effrayé.

« À Édimbourg ? répéta-t-il. À Édimbourg ? où il n’y a pas un habitant qui ne vous ait vu !

— Mais, monsieur Romaine, n’y a-t-il pas quelquefois de la sécurité dans la hardiesse ? N’est-ce pas un bon principe de stratégie de se rendre à l’endroit où l’ennemi attend le moins qu’on se rende ?

— Hé, faites à votre guise ! grommela le notaire ; je vois trop qu’on perdrait son temps à raisonner avec vous. Restez ici jusqu’à ce que toute la maison soit bien endormie ; et puis, par un chemin de traverse, filez, filez de toutes vos jambes, jusqu’à demain matin ! Demain, louez une chaise de poste, ou bien prenez la diligence, et tâchez au moins de poursuivre votre voyage avec toute la précaution dont vous serez capable ! »

Je n’avais pas attendu ces dernières paroles pour commencer mes préparatifs de départ. Le notaire, après un moment de silence, me trouva occupé à un consciencieux examen de ma garde-robe.

« Mais, jeune homme, reprit-il, ne vous imaginez pas,