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la nuit ; et comment l’auriez-vous pu faire, avec votre cousin dans la chambre voisine ? Force était donc de le faire partir le premier. Et, pour cela, je n’avais qu’un moyen : celui que j’ai employé. J’ai brûlé ma dernière cartouche, et grâce à Dieu ! le coup a porté. Je n’ai pas blessé l’adversaire, hélas ! mais je l’ai étourdi. Et cela nous a donné trois heures de délai, dont nous devons nous hâter de tirer parti : car s’il y a au monde une chose dont je sois sûr, c’est que votre cousin sera ici, de nouveau, demain dans la matinée.

— Eh bien ! dis-je, je confesse que je ne suis qu’un idiot. Car je n’avais rien deviné de tout cela.

— Et maintenant que vous devinez, avez-vous toujours encore les mêmes objections à l’idée de quitter l’Angleterre au plus vite ? demanda-t-il.

— Toujours ! répondis-je.

— Mais votre départ de ce pays est absolument nécessaire ! insista-t-il.

— Et absolument impossible ! répondis-je. La raison n’a d’ailleurs rien à voir en cela ; j’aime mieux vous en prévenir immédiatement, pour vous éviter la peine de fatiguer votre entendement. Sachez donc qu’il s’agit d’une affaire de cœur !

— Oh ! oui ? fit Romaine, en hochant la tête. Ma foi, j’aurais dû m’en douter ! Mettez-les dans un hôpital, mettez-les sous terre, mettez-les dans une prison en costume de mascarade, faites ce que vous voudrez le : jeune Jessamy s’arrangera toujours pour découvrir la jeune Jenny ! Allons, à votre guise ! Je suis une trop vieille pratique pour discuter avec de jeunes messieurs qui croient devoir s’imaginer qu’ils sont amoureux. Qu’il me suffise de vous faire bien entendre ce que vous risquez : la prison, la cour martiale, et la potence et la corde, mon jeune ami ; des choses terriblement vulgaires, sordides, prosaïques ; pas l’ombre de poésie, dans tout cela !

— En tous cas, me voici prévenu ! répondis-je gaîment, On ne saurait l’être avec plus de précision, ni non plus de