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II

Histoire d’une Paire de Ciseaux.


J’étais encore plongé dans ces réflexions lorsque sonna la cloche qui renvoyait nos visiteurs. Aussitôt notre petit marché se ferma, et nous nous précipitâmes tous vers la cuisine, où l’on distribuait à chacun de nous sa ration du soir ; car nous avions le droit de nous installer, pour manger, où bon nous semblait.

Comme je l’ai dit déjà, la conduite de bon nombre de nos visiteurs était offensante pour nous intolérablement ; elle l’était, sans doute, beaucoup plus encore que ces visiteurs ne se l’imaginaient, de même que le public, dans une ménagerie, doit offenser de mille façons, qu’il ne soupçonne pas, les nobles et infortunés animaux enfermés derrière les barreaux. Et je dois ajouter que quelques-uns de mes compagnons étaient peut-être aussi plus susceptibles que de raison. Ces vieux grognards, d’origine paysanne, accoutumés depuis l’enfance à passer en triomphateurs parmi des populations soumises et tremblantes, ne se résignaient point à leur nouvelle condition.

Il y avait là, en particulier, un homme appelé Goguelat, une brute de la plus belle eau, qui n’avait jamais rien connu de la civilisation que sous la forme de la discipline militaire, et qui cependant, par son héroïque bravoure, s’était élevé au grade de maréchal des logis au 22e de ligne. Autant qu’une brute peut être un bon soldat, c’était un excellent soldat ; la croix d’honneur brillait sur sa poi-