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d’ailleurs je dois dire que j’avais eu la présomption de m’y attendre, le héros imberbe rougit jusqu’aux oreilles, de plaisir.) Ah ! ma chère jeune dame, poursuivis-je, vous m’avez donné une aumône, l’autre jour, et plus qu’une aumône, l’espérance de votre incomparable et précieuse amitié. Aussi, pendant que vous étiez absente, ne vous ai-je pas oubliée ! Souffrez que je puisse me dire à moi-même que j’ai essayé tout ce qui dépendait de moi pour vous remercier ; et, par compassion pour le prisonnier, daignez accepter cette bagatelle ! »

Ce que disant, je lui présentai mon lion. Elle le prit, le regarda avec embarras ; puis apercevant la dédicace, elle poussa un petit cri :

« Comment avez-vous pu savoir mon nom ? fit-elle.

— Lorsque des noms sont aussi appropriés à leur objet que celui-là, on n’a point de peine à les deviner ! répondis-je avec un grand salut. Mais, au vrai, il n’y a pas eu de magie dans l’affaire. Une dame vous a appelée par ce nom, le jour où j’ai ramassé votre mouchoir : je me suis empressé de le retenir et de le chérir !

— Ce lion est très, très beau, dit-elle, et je serai toujours fière de l’inscription. Venez, Ronald, il est temps de rentrer ! »

Elle me salua comme une dame salue son égal, et elle s’en alla, avec (du moins je l’aurais juré) plus de couleur sur les joues qu’à son arrivée.

J’étais ravi. Mon innocente ruse avait porté ; Flora avait pris mon cadeau sans l’ombre d’une idée de paiement ! Et je songeais que, désormais, j’aurais un ambassadeur en permanence à la cour de ma dame. Le lion avait beau être mal dessiné : il venait de moi. C’étaient mes mains qui l’avaient gravé ; c’était mon ongle qui avait tracé la dédicace ; et, pour simples qu’en fussent les mots, ils ne cesseraient plus de répéter à Flora que je lui étais reconnaissant, que je la trouvais infiniment aimable. Quant au frère, il semblait un peu niais, et rougissait au moindre compliment ; j’avais pu voir, en outre, qu’il me considé-