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rien qui pût le décourager. Relevant la manche de ma robe de chambre, je lui montrai, en silence, la cicatrice que je rapportais du château d’Édimbourg. Il la contempla avec vénération.

« Ah ! reprit-il, je vois maintenant d’où vient la différence ! Elle vient de l’éducation ! Le vicomte, toute sa vie, n’a fait que suivre les courses, jouer, s’amuser ! Et il a fait tout cela fort bien, c’est certain. Mais ce que je dis, c’est que tout cela ne mène à rien, tandis que…

— Tandis que le comte de M. Rowley…, insinuai-je.

— Mon comte ? fit-il. Eh bien ! monsieur, maintenant que je vous ai vu, je n’ai plus de scrupule à vous appeler ainsi ! »

Je ne pus m’empêcher de sourire, devant cet élan. Le jeune gaillard vit mon sourire et y répondit par un autre, non moins amical.

« Parfaitement, monsieur Anne ! dit-il. Je sais reconnaître un gentleman. Et maintenant M. Powl peut aller au diable avec le sien. Mais je vous demande pardon d’être si familier, monsieur Anne — dit-il, en rougissant tout à coup jusqu’à devenir écarlate. — Et quand je pense que M. Powl m’avait spécialement mis en garde contre cela ! »

Là-dessus, nous commençâmes à passer en revue mes nouveaux vêtements. Je fus stupéfait de voir qu’ils m’allaient comme si on les eût faits sur mesure.

« C’est extraordinaire ! m’écriai-je. Tout cela me va parfaitement.

— Rien d’étonnant, monsieur Anne : vous êtes tous les deux de même taille ! dit Rowley.

— Tous les deux ! Qui cela ? demandai-je.

— Hé, le vicomte ! répondit-il.

— Comment ? ainsi, l’on me fait porter les vêtements de cet homme ? »

Mais Rowley se hâta de me rassurer. Dès que l’on avait appris la possibilité de ma venue, le marquis avait mandé son tailleur, qui était aussi celui de mon cousin, et, sur la