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demain dans l’auberge la plus voisine ; demain matin vous me conduirez à Londres et me confronterez avec M. Romaine : ce qui aura pour résultat de vous mettre l’esprit à l’aise, mais, en même temps, d’introduire un fâcheux désordre dans les plans de votre maître. Que si, au contraire, vous consentez à me croire, laissez-moi en paix et que la chose en reste là ! Comme vous voyez, vous avez le choix !

— Et mon choix est fait d’avance ! s’écria-t-il. Allez à Amersham demain, ou bien allez au diable, si vous le préférez : je me lave les mains de toute cette affaire ! Non certes, ce n’est pas moi qui aurai la prétention de me mêler de passer ma tête entre M. Romaine et un de ses clients ! »

Cependant nous ne pouvions pas rester ainsi debout en plein champ jusqu’au lendemain. Ce fut Dudgeon lui-même qui m’en fit la remarque, en même temps qu’il m’offrit de me conduire à Bedford, qui se trouvait n’être qu’à trois milles de là. Une demi-heure après, nous étions à Bedford, commodément assis auprès d’un bon feu et occupés à vider une bouteille de vin.

« À votre santé ! me dit Dudgeon en levant son verre. Mais, tout de même, ajouta-t-il mystérieusement, c’est dommage ! »

Et il soupira.

« À propos ! lui dis-je. J’ai une grande curiosité et vous pouvez la satisfaire. Pourquoi diable étiez-vous si enragé à vous mêler des affaires de ce pauvre M. Dubois ? Pourquoi, ensuite, avez-vous transféré votre attention sur moi ? Et, d’une façon générale, qu’est-ce qui vous pousse à vous rendre aussi insupportable ? »

Il rougit profondément.

« Eh ! monsieur, fit-il, vous admettrez bien qu’il existe quelque chose qu’on nomme le patriotisme ! »


Le lendemain matin, à huit heures, Dudgeon et moi prîmes congé l’un de l’autre. Nous étions devenus excellents amis, et je l’aurais volontiers emmené avec moi à