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role à garder ni à rompre ; une fois hors de ma prison, je redeviens libre comme l’air. Permettez-moi de réparer ma folie en vous offrant… Mais comment fait-on pour appeler, dans ce maudit endroit ? Où est cet homme, ce Fenn ? »

Je courus à l’une des fenêtres et l’ouvris toute grande. Fenn, passant à ce moment dans la cour, leva les bras en signe de désolation, me cria de me retirer et se précipita dans notre chambre.

« Oh ! monsieur, gémit-il, éloignez-vous de ces fenêtres ! On pourrait vous voir de la prairie.

— Entendu ! répondis-je. Dorénavant, je serai invisible ! Mais, en attendant, pour l’amour de Dieu, allez nous chercher une bouteille de brandy ! Votre pièce est humide comme le fond d’un puits, et ces messieurs meurent de froid ! »

Aussitôt que je l’eus payé — car, à ce que j’appris, tout devait être payé d’avance — je reportai mon attention sur le feu ; et, soit que j’y misse plus d’énergie que mes deux compagnons, soit que les charbons fussent maintenant réchauffés, je ne tardai pas à produire une joyeuse flambée, dont l’éclat, dans ce sombre jour de pluie, sembla ranimer le colonel comme un rayon de soleil. Sans compter que la flamme, en produisant un courant d’air, nous délivra de l’infecte fumée ; et lorsque Fenn reparut, portant une bouteille sous son bras et un unique verre dans sa main, il y avait dans la pièce un reflet de gaîté qui mettait les cœurs plus à l’aise.

Je versai de l’eau-de-vie dans le verre.

« Mon colonel, dis-je, je suis un jeune homme et un simple soldat, et déjà, depuis le peu d’instants que je suis entré dans cette chambre, je me suis conduit avec l’irréflexion d’un jeune homme et un manque d’égards dont bien des soldats rougiraient pour moi. Ayez l’extrême bonté de me prouver que vous me pardonnez, et faites-moi l’honneur d’accepter ce verre !

— Je vous remercie, mon garçon, cela me réchauffera ! »