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verre de quelque chose de chaud à boire, me conviendrait infiniment ! »

En effet, la pluie s’était changée en déluge ; les gouttières de la maison mugissaient, l’air était rempli du bruit continu et strident de l’eau du ciel claquant dans la boue de la cour. Le regard fixe et pénétrant de Fenn était loin de me rassurer. Et la vague appréhension que j’éprouvais se renforçait encore de la vue du cocher, tournant autour de nous avec un mélange de stupeur et de rage.

Ainsi nous restions debout, sur le seuil de la maison lorsque de nouveau un des habitants du chariot se mit à éternuer. À ce son, comme au signal d’une baguette magique, le cocher entraîna ses chevaux derrière la maison, et M. Fenn, retrouvant toute sa présence d’esprit, m’introduisit dans le corridor, jusque devant une porte fermée.

« Entrez, monsieur, entrez me dit-il. Je vous demande pardon : le loquet est un peu difficile. »

Le fait est qu’il eut besoin d’un effort prolongé pour ouvrir la porte, dont le loquet paraissait rouillé à force d’être resté immobile ; et quand enfin mon hôte fut parvenu à l’ouvrir, je fus saisi, dès le seuil, d’entendre ce bruit particulier que fait l’écho de la pluie dans les chambres vides. Le vieux salon du manoir, où je me trouvais à présent, était d’excellent style et de proportions respectables ; mais son aspect actuel faisait d’autant plus pitié. Les dalles, défoncées par places, étaient souillées de boue et encombrées de paille. Sur une grande table de chêne, le seul meuble de la pièce, le suif d’une chandelle fondue faisait une énorme tache verte. Et tout cela, tout de suite, produisit sur moi une impression sinistre. J’étais là avec Fenn, dans une maison déserte, un jardin abandonné au milieu d’un bois de cyprès : un théâtre parfait pour une scène de drame. J’eus soudain la vision de quelques dalles soulevées sous mes pieds, du cocher aidant son maître à creuser ma fosse ; et cette image me déplut extrêmement. Je sentis que je n’avais pas de temps à perdre pour expliquer l’objet de ma visite ; et je me retournais vers