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mier aussi insouciant de la beauté extérieure que du luxe et du confortable. De toutes parts s’attestait l’abandon présent, dans les buissons de roses envahissant les sentiers, dans le dépérissement du gazon, dans l’absence de vitres aux fenêtres, dont quelques-unes étaient simplement bouchées avec du papier ou des chiffons de toile. Une rangée d’arbres verts entourait la cour, masquant la maison.

Lorsque j’arrivai à l’entrée de la cour, par cette mélancolique matinée d’hiver, sous une pluie battante et des rafales de vent, qui hurlaient lugubrement au-dessus des vieilles cheminées du manoir, le chariot s’était déjà arrêté devant les marches du perron, et le cocher, sur le seuil, s’entretenait avec M. Burchell Fenn. Celui-ci était debout, les mains derrière son dos : c’était un gros homme court et mal bâti, avec un large cou de taureau et une face toute rouge ; il portait une casquette de jockey, une veste bleue et des bottes à revers, tout cela quelque peu fatigué ; mais cet accoutrement n’en achevait pas moins de lui donner l’apparence d’un solide fermier anglais, comme on aime à les représenter dans les caricatures.

Les deux hommes, en me voyant approcher, interrompirent leur entretien et m’accueillirent avec un silence hargneux. Je tenais mon chapeau à la main.

« Est-ce à monsieur Burchell Fenn que j’ai le plaisir de m’adresser ? demandai-je.

— À lui-même, monsieur, dit M. Fenn, — ôtant sa calotte pour répondre à ma politesse, mais avec le regard distrait et le ton d’un homme qui a la pensée occupée ailleurs. — Et vous, pourrait-on savoir qui vous êtes ?

— Je vous le dirai tout à l’heure, repris-je. Qu’il vous suffise de savoir, en attendant, que je viens ici pour affaires ! »

Il sembla digérer péniblement ma réponse, ses petits yeux toujours fixés sur moi.

« Et permettez-moi de vous faire observer, monsieur, ajoutai-je, que voici une matinée diablement humide, et que le coin d’une cheminée, avec, si c’est possible, un