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moroses que vous, et nous nous sommes fort bien entendus. Vous rentrez chez vous ?

— Oui ! dit-il.

— En ce cas, repris-je, pourquoi ne me permettriez-vous pas de me reposer un peu les jambes ? Il y a de la place à côté de vous, sur le siège ! »

D’un coup de fouet soudain, il fit sauter le chariot à quelques mètres plus loin. Mais les chevaux, après cet élan héroïque, s’arrêtèrent.

« Non, non, pas de ça ! fit le cocher, me menaçant du fouet. Pas de ça avec moi !

— Pas de quoi ? demandai-je. Je vous ai prié de me prendre près de vous, mais je n’avais point l’idée de vous y forcer.

— C’est à moi qu’on a confié le chariot et les chevaux ! fit l’homme. Et puis d’ailleurs je n’ai pas besoin d’entrer en rapport avec des vagabonds de votre espèce !

— Je devrais vous remercier de votre franchise ! répondis-je, tout en me rapprochant encore du chariot. Mais, tout de même, vous me plaisez infiniment. Je vous aime pour votre prudence, pour votre amabilité, pour la bonne humeur qui éclate sur votre visage. Mais, si vous craignez de m’admettre sur le siège, laissez-moi du moins m’étendre un peu ici, dans ce coffre, où je pourrai faire un somme sans vous déranger ! » Ce que disant, j’appuyai la main sur le corps du chariot.

Dès le début de notre conversation, le cocher m’avait paru inquiet ; mais, à ces mots, ce fut comme s’il avait perdu la force de parler, et je vis dans ses yeux une épouvante folle.

« Et pourquoi pas ? poursuivis-je. Vous pourriez m’enfermer, pour n’avoir rien à craindre : car ça ferme, votre boîte ! ajoutai-je en essayant d’ouvrir la porte. À propos, quelle espèce de marchandises avez-vous donc là-dedans ? »

L’homme ne répondait toujours pas.

Rat-rat-rat, je tapai sur la porte, de toutes mes forces.