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suppose qu’ils m’ont également légué une incorrigible étourderie à laquelle je me suis abandonné outre mesure. J’ai reçu une bonne éducation. Je sais jouer du violon assez bien pour faire ma partie dans un concert à deux sous. Je suis à peu près de la même force sur la flûte et le cor de chasse. J’ai appris le whist de façon à perdre une centaine de livres par an à ce jeu scientifique ; mes connaissances en français se sont trouvées suffisantes pour me permettre de dissiper de l’argent à Paris presque avec la même facilité qu’à Londres ; bref, je suis pétri de talents variés. J’ai eu toute sorte d’aventures, y compris un duel à propos de rien. Il y a deux mois, j’ai rencontré une jeune personne qui réalisait, au moral et au physique, mon idéal de la beauté ; je sentis mon cœur s’enflammer, je m’aperçus que j’étais enfin arrivé au moment décisif, que j’allais tomber amoureux ; mais en même temps je découvris qu’il me restait de mon capital tout au plus quatre cents livres. De bonne foi, un homme qui se respecte peut-il être amoureux avec quatre cents livres ? Vous conviendrez que non. J’ai donc fui la présence de l’enchanteresse et, ayant légèrement accéléré le cours de mes dépenses, j’arrivai à n’avoir plus, ce matin, que quatre-vingts livres…