Page:Stevenson - Les Nouvelles Mille et Une Nuits, trad. Bentzon.djvu/70

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cette main de bête, étendue sur les draps du lit, et qui est la sienne ; c’est encore dans la page terrible où le docteur, si généralement vénéré, reprend au milieu du parc qu’il traverse, en se remémorant ses plaisirs furtifs, la figure de l’être abject et criminel que poursuit la police ; c’est enfin dans la conversation pleine d’angoisse qu’il a par la fenêtre avec son ami, quand le rideau s’abaisse précipitamment sur la figure de Hyde intervenue à l’improviste. Jamais les conséquences de l’abandon de la volonté, jamais la revanche de la conscience, n’ont été personnifiées d’une façon plus terrible. Dans ce récit, sans le secours d’une seule figure de femme, l’intérêt passionné ne languit pas une minute. Après l’avoir dévoré jusqu’à la dernière ligne, car il ne livre son secret qu’à la fin, on revient à la partie symbolique avec une sorte d’angoisse. Ce merveilleux est si terriblement humain ! Jusqu’ici, M. Stevenson, tout expert qu’il soit à captiver l’attention de ses lecteurs, n’avait su que les amuser et les effrayer tour à tour ; cette fois, il les fait penser ; il touche aux fibres les plus secrètes et les plus profondes de l’âme ; il assure notre pitié à son triste héros, tant la perte définitive de l’empire de l’homme sur lui-même est un spectacle déchirant, tant il y a d’horreur tragique