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suelles roulait, se déchaînait dans mon imagination, j’échappais aux liens de toute obligation, j’acquérais une liberté d’âme inconnue jusque-là, qui n’était nullement innocente. Je connus, dès le premier souffle de cette vie nouvelle, que j’étais plus mauvais qu’auparavant, dix fois plus mauvais, livré, comme un esclave, au mal originel, et cette pensée m’exalta comme l’eût fait du vin… J’étendis les bras, en m’abandonnant, ravi, à la fraîcheur de ces sensations, et, au moment même, je fus soudainement averti que j’avais baissé en stature. Il n’y avait pas de miroir dans mon cabinet à cette époque ; la psyché, qui maintenant s’y trouve, y fut apportée, plus tard, pour refléter mes transformations. La nuit cependant touchait au matin, un matin très sombre ; tous les hôtes de la maison étaient encore plongés dans le sommeil ; transporté, comme je l’étais, d’espérance et de joie, je m’aventurai dehors, je traversai la cour, au-dessus de laquelle il me sembla que les constellations regardaient étonnées cet être, le premier de son espèce qu’eût encore découvert leur infatigable vigilance ; je me glissai par les corridors, étranger dans ma propre maison, et, en arrivant dans ma chambre, j’aperçus pour la première fois Edward Hyde.

« Il faut maintenant que je parle par théorie,