Page:Stevenson - Les Nouvelles Mille et Une Nuits, trad. Bentzon.djvu/218

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la toilette ; de plus cette prétendue passion le préservera de certaines sottises. Il est positivement trop gentil pour qu’on ne se l’attache pas. »

Le soir, elle en parla au général, déjà un peu honteux de sa vivacité, et Harry passa dans le département féminin, où sa vie devint une sorte de paradis. Il était toujours vêtu avec une recherche excessive, portait des fleurs rares à sa boutonnière et savait recevoir les visiteurs avec tact ; son amabilité était imperturbable. Il s’enorgueillissait de cet esclavage auprès d’une jolie femme, acceptait les ordres de Lady Vandeleur comme autant de faveurs, bref il était ravi de se montrer aux autres hommes (qui se moquaient de lui et le méprisaient) dans ses fonctions ambiguës de monsieur de compagnie. Il faisait même grand cas de sa propre conduite au point de vue moral. Les passions, les désordres et leurs résultats funestes eussent effrayé sa conscience délicate, au lieu que les émotions douces et innocentes des journées passées chez une noble dame à s’occuper uniquement de futilités, ne troublaient en rien son repos dans cette manière d’île enchantée, où il avait jeté l’ancre au milieu des orages.

Un beau matin il vint dans le salon et se mit à ranger quelques cahiers de musique sur le piano.