Page:Stevenson - Les Nouvelles Mille et Une Nuits, trad. Bentzon.djvu/203

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

main. Même dans le crépuscule, on pouvait voir briller les dents de sa mâchoire supérieure, sa bouche étant ouverte comme celle d’un chien prêt à s’élancer. Il sortait de l’eau évidemment, car, pendant qu’il se tenait là, des gouttes continuaient à ruisseler de ses vêtements mouillés et clapotaient sur le plancher.

Un moment après, il franchit le seuil. Il y eut un bond, un cri étouffé, une lutte, et, avant que le colonel Geraldine eût trouvé le temps de voler à son aide, le prince tenait l’homme désarmé et sans défense par les épaules.

« Docteur, dit-il, veuillez rallumer la lampe. »

Abandonnant alors la garde de son prisonnier à Geraldine et à Brackenbury, il traversa la pièce et se plaça le dos à la cheminée. Aussitôt que la lampe brilla de nouveau, tous remarquèrent que les traits du prince étaient empreints d’une sévérité extraordinaire. Ce n’était plus Florizel, le gentilhomme insouciant ; c’était le prince de Bohême, justement irrité, et animé d’une résolution implacable ; il leva la tête, et, s’adressant au captif, le président du Suicide Club :

« M. le président, dit-il, vous avez tendu votre dernier piège, et vos pieds se sont pris dedans. Le jour se lève : c’est votre dernier matin. À l’instant, vous venez de traverser à la nage le