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prince, retourna sa carte : c’était un as, mais un as de cœur.

Lorsque le prince Florizel vit sa destinée encore voilée sur la table devant lui, son cœur cessa de battre. Il était homme et courageux, mais la sueur perlait sur son visage : il avait cinquante chances sur cent pour être condamné. Il retourna la carte ; c’était l’as de pique. Une sorte de rugissement remplit son cerveau et la table tourbillonna sous ses yeux. Il entendit le joueur assis à sa droite partir d’un éclat de rire qui sonnait entre la joie et le désappointement ; il vit la compagnie se disperser, mais ses pensées étaient loin. Il reconnaissait combien sa conduite avait été légère, criminelle même.

« Mon Dieu ! s’écria-t-il, mon Dieu, pardonnez-moi ! »

Et aussitôt son trouble fit place à l’empire habituel qu’il avait sur lui-même.

À sa grande surprise, Geraldine avait disparu. Il ne restait personne dans la salle de jeu, excepté le bourreau destiné à l’expédier, qui se concertait avec le président, et le jeune homme aux tartes à la crème. Celui-ci se glissa vers le prince et lui souffla dans l’oreille, en guise d’adieu :

« Je donnerais un million, si je le possédais, pour avoir la même chance que vous. »