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imperceptible d’autorité, imposèrent très vite à cette assemblée macabre et la séduisirent malgré elle ; en même temps il ouvrait les yeux et les oreilles. Bientôt il commença à se faire une idée générale du monde au milieu duquel il se trouvait. Les jeunes gens formaient une majorité considérable ; ils avaient les apparences de l’intelligence et de la sensibilité, plutôt que de l’énergie. Si quelques-uns dépassaient la trentaine, plusieurs étaient âgés de moins de vingt ans. Ils se tenaient appuyés contre les tables, changeant sans cesse de maintien ; tantôt ils fumaient très fort et tantôt ils laissaient s’éteindre leurs cigares ; quelques-uns s’exprimaient bien, mais la loquacité du grand nombre n’était évidemment que le résultat d’une excitation nerveuse, avec absence complète d’esprit et de bon sens. Chaque fois qu’une bouteille de champagne était débouchée, la gaieté augmentait d’une façon manifeste.

Il n’y avait que deux hommes assis : l’un, près de la fenêtre, les mains plongées dans les poches de son pantalon et la tête basse, mortellement pâle, la sueur au front, ne proférait pas un mot ; on eût dit une véritable ruine d’âme et de corps ; l’autre, sur un sofa qui le séparait de la cheminée, différait étrangement de tout le