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J’en hurlais presque : je m’évertuais avec des larmes et des prières à écarter la foule d’images hideuses dont me harcelait ma mémoire ; mais toujours, entre mes supplications, l’horrible face de mon iniquité me regardait jusqu’au fond de l’âme. Enfin l’acuité de ce remords s’atténua peu à peu, et fit place à une sensation de joie. Le problème de ma conduite était résolu.

Désormais il ne pouvait plus être question de Hyde ; et bon gré mal gré je m’en voyais réduit à la meilleure part de mon être. Oh ! combien je me réjouis à cette idée ! Avec quelle humilité volontaire j’embrassai à nouveau les contraintes de la vie normale ! Avec quel sincère renoncement je fermai la porte par laquelle j’étais si souvent sorti et rentré, et en écrasai la clef sous mon talon !

Le lendemain, j’appris la nouvelle que le meurtrier avait été reconnu ; que le monde entier savait Hyde coupable, et que sa victime était un homme haut placé dans la considération publique. Je crois bien que je fus heureux de l’apprendre, heureux de voir mes bonnes résolutions ainsi fortifiées et gardées par la crainte de l’échafaud. Jekyll était maintenant mon unique refuge : que Hyde se fît voir un seul instant, et tous les bras se lèveraient pour s’emparer de lui et le mettre en pièces.

Je résolus de racheter le passé par ma conduite future ; et je puis dire en toute sincérité que ma résolution produisit de bons fruits. Vous savez vous-même avec quelle ardeur je travaillai, durant les derniers mois de l’année passée, à soulager les