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teur dans les ténèbres de la place. Non loin, un policeman s’avançait la lanterne au poing. À cette vue il me sembla que mon visiteur tressaillait et se hâtait davantage.

Ces particularités me frappèrent, je l’avoue, désagréablement ; et, tandis que je le suivais jusque dans la brillante clarté de mon cabinet de consultation, je me tins prêt à faire usage de mon arme. Là, enfin, j’eus tout loisir de le bien voir. Ce qui du moins était sûr, c’est que je ne l’avais jamais rencontré auparavant. Il était petit, comme je l’ai déjà dit ; en outre je fus frappé par l’expression repoussante de sa physionomie, par l’aspect exceptionnel qu’il présentait, d’une grande activité musculaire jointe à une non moins grande faiblesse apparente de constitution, et enfin, et plus encore peut-être, par le singulier trouble physiologique que son voisinage produisait en moi. Ce trouble présentait quelque analogie avec un début d’ankylose, et s’accompagnait d’un notable affaiblissement du pouls. Sur le moment, je l’attribuai à quelque antipathie personnelle et idiosyncrasique, et m’étonnai simplement de l’acuité de ses manifestations ; mais j’ai eu depuis des raisons de croire que son origine était située beaucoup plus profondément dans mon humaine nature, et procédait d’un mobile plus noble que le sentiment de la haine.

Cet individu (qui avait ainsi, dès le premier instant de son arrivée, excité en moi une curiosité que je qualifierais volontiers de malsaine) était