Page:Stevenson - Le Roman du prince Othon.djvu/98

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
82
LE ROMAN DU PRINCE OTHON

reconnaîtrait-il la longue patience du prince par une insolence étudiée et par l’invention de sobriquets insultants, tels que Prince Plumeau, sobriquet qui maintenant court par toutes les bouches et fait rire tout le pays. Gondremark possède ainsi beaucoup du caractère balourd du parvenu en combinaison avec un orgueil d’intelligence et un orgueil de race extravagants jusqu’à la sottise.

Lourd, bilieux, égoïste, laid, il pèse sur cette cour et sur ce pays comme un cauchemar.

Mais il est à supposer qu’il a des qualités plus agréables en réserve pour les occasions qui en demandent. Il est même certain, quoiqu’il n’ait pas jugé bon de me le laisser voir, que ce diplomate froid et épais possède au plus haut degré l’art de plaire, et qu’il sait, quand il le veut, se faire passer aux yeux de chacun pour l’homme selon son cœur. De là, sans doute, la légende oiseuse que dans la vie privée il n’est qu’un voluptueux grossier et tapageur. Rien, du moins, ne peut être plus surprenant que le pied sur lequel il se trouve placé auprès de la princesse. Plus âgé que son mari, incontestablement plus laid, et, selon les faibles idées habituelles aux femmes, moins agréable sous tous les aspects, non seulement il s’est complètement acquis l’empire sur l’esprit et les actions de cette femme, mais il lui a assigné en public un rôle humiliant. Je ne veux pas parler ici du sacrifice du dernier lambeau de sa réputation, car chez nombre de femmes de pareils excès sont en eux-mêmes attrayants. Mais il est de par la cour une certaine dame à réputation échevelée, une comtesse de Rosen, femme ou