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LE ROMAN DU PRINCE OTHON

dant, m’étant présenté pour la troisième fois au palais, je trouvai ce souverain dans tout l’exercice de ses inglorieuses fonctions, ayant sa femme d’un côté et l’amant de l’autre. Il n’a pas mauvaise tournure ; ses cheveux sont d’un roux doré, frisant naturellement, et ses yeux d’une couleur foncée, combinaison que je regarde toujours comme l’indice d’une défectuosité congénitale, physique ou morale. Ses traits sont irréguliers mais agréables : le nez est peut-être un peu court et la bouche efféminée. Sa tenue est parfaite et il s’exprime avec une certaine facilité. Mais fouillez au-dessous de cet extérieur, vous ne découvrirez alors qu’une absence de toute qualité foncière, que cette défaillance complète de toute moralité, cette frivolité, cette inconséquence de vues qui caractérisent le fruit presque mûr d’un âge décadent. Il possède une teinture superficielle sur nombre de sujets, sans en avoir approfondi aucun. « Je me lasse vite de toute occupation », me dit-il en riant. Il semblerait presque qu’il fût fier de son manque de capacité et de valeur morale. Le résultat de ce dilettantisme se voit de tous côtés. Il fait mal des armes, c’est un cavalier, un danseur, un tireur de second ordre. Il chante (je l’ai entendu), il chante comme un enfant. Il rimaille des vers intolérables dans un français plus que douteux. Il joue la comédie en amateur ordinaire. Bref, il n’y a pas de limite au nombre des choses qu’il fait, et qu’il fait mal. Son seul goût viril est pour la chasse. En résumé c’est un plexus de faiblesses, une soubrette de théâtre, affublée d’habits d’homme, montée sur un cheval de cirque ! J’ai vu ce pauvre fan-