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LE ROMAN DU PRINCE OTHON


— Une lanterne ! dit le prince.

— Miséricorde du ciel !… s’écria le palefrenier. Qui va là ?

— Moi, le prince, répondit Othon. Apportez une lanterne, emmenez la jument, et ouvrez-moi la porte du jardin.

L’homme demeura quelque temps silencieux, la tête toujours hors du guichet. — Son Altesse ! fit-il enfin. Mais pourquoi Votre Altesse a-t-elle frappé si drôlement ?

— Une superstition, dit Othon. On prétend à Grunewald que cela rend l’avoine moins chère.

L’homme poussa un cri semblable à un sanglot, et s’enfuit. Quand il reparut, même à la lumière de la lanterne il était tout pâle ; et en ouvrant la porte pour venir prendre la jument, sa main tremblait.

— Votre Altesse… commença-t-il enfin, pour l’amour de Dieu !… et il en resta là, écrasé sous le poids de sa culpabilité.

— Pour l’amour de Dieu, quoi donc ? demanda Othon gaiement. Pour l’amour de Dieu, ayons l’avoine moins chère ! Voilà ce que je dis. Bonsoir ! Et à grands pas il entra dans le jardin, laissant le valet d’écurie pétrifié pour la seconde fois.

Par une série de terrasses le jardin s’abaissait jusqu’au niveau du vivier. De l’autre côté le terrain s’élevait de nouveau, couronné par la masse confuse des toits et des pignons du palais. La façade moderne avec ses colonnes, la salle de bal, la grande bibliothèque, les chambres princières, enfin tous les appartements occupés et illuminés de cette vaste demeure, donnaient sur la ville. Du