Page:Stevenson - Le Roman du prince Othon.djvu/66

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
50
LE ROMAN DU PRINCE OTHON

miner toutes ces faussetés. Nous commençons à retourner vers l’ordre de la nature, vers ce que je pourrais appeler (empruntant une expression à la thérapeutique) la méthode expectante pour le traitement des abus. Ne vous méprenez pas au sens de mes paroles, continua-t-il ; un pays dans la condition que nous voyons à Grunewald, un prince comme votre prince Othon, nous devons formellement les condamner. Tous deux sont surannés. Néanmoins je chercherais le remède, non pas dans les convulsions brutales, mais dans l’accession paisible d’un souverain plus capable. Je vous amuserais, sans doute, ajouta le licencié, oui, je crois que je vous amuserais, si je vous expliquais mon idéal d’un prince. Nous qui avons travaillé dans le silence du cabinet, nous ne songeons plus, à cette heure, à la vie d’action : les deux genres d’existence sont, nous l’avons prouvé, incompatibles. Je ne voudrais certes pas d’un philosophe sur le trône ; mais, d’autre part, je voudrais en voir un toujours tout près, comme conseiller. Comme prince je proposerais un homme d’une bonne intelligence moyenne, plutôt vive que profonde, un homme aux manières courtoises, ayant à la fois l’art de plaire et de commander, un homme observateur, d’humeur facile, séduisant. Je me suis permis de vous étudier depuis votre entrée ici : eh bien ! Monsieur, si j’étais un sujet de Grunewald, je prierais le ciel de placer sur le siège du gouvernement un homme tel que vous.

— Ah bah ! s’écria le prince… Vraiment ? Le licencié Rœderer se mit à rire de bon cœur.