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PRINCE ERRANT

tout prince régnant qu’il soit ? Qui, d’autre part, n’a entendu parler du docteur Gotthold ? C’est que le mérite intellectuel, seul, de toutes les distinctions, est basé sur la nature.

— J’ai le plaisir de m’adresser à un philosophe, hasarda Othon, à un auteur peut-être ?

Le sang monta aux joues du jeune homme : — Comme vous le supposez, Monsieur, dit-il, je puis prétendre à ces deux distinctions. Voici ma carte. Je suis le licencié Rœderer, auteur de plusieurs ouvrages sur la théorie et la pratique de la politique.

— Vous m’intéressez énormément, dit le prince, d’autant plus que j’entends dire en Grunewald que nous sommes à la veille d’une révolution. Dites-moi, je vous prie, puisque vous faites une étude spéciale de ces questions, augureriez-vous favorablement d’un pareil mouvement ?

— Je vois, Monsieur, dit le jeune écrivain, avec un certain accent d’aigreur, que vous n’avez pas connaissance de mes opuscules. Je suis ferme partisan du principe autoritaire. Je ne partage d’aucune façon toutes ces fantaisies illusoires, ces utopies dont les empiristes s’éblouissent eux-mêmes et exaspèrent les ignorants. L’âge de ces idées, croyez-moi, est passé, ou tout au moins le sera bientôt.

— Quand je regarde autour de moi… commença Othon.

— Quand vous regardez autour de vous, interrompit le licencié, vous voyez les ignorants. Mais nous autres, dans le laboratoire de l’opinion, sous la lampe studieuse, nous commençons déjà à éli-