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LE ROMAN DU PRINCE OTHON


— Oh ! vous voilà donc, s’écria-t-il, quand il fut à portée de voix. Vous êtes un homme, vous, et il faudra bien que vous me répondiez… Que faisiez-vous, là-bas, tous les deux ? Pourquoi vous cachiez-vous derrière les buissons ? Puis se retournant, furieux, sur Ottilie : — Dieu du ciel ! s’écria-t-il. Et dire que c’est à une femme comme toi que j’ai donné mon cœur !…

— Pardon, interrompit Othon, c’est à moi, ce me semble, que vous vous adressiez. En vertu de quelle circonstance ai-je à vous rendre compte des faits et gestes de cette demoiselle ? Êtes-vous son père, son frère, son époux ?

— Eh, monsieur ! répondit le paysan, vous le savez aussi bien que moi, c’est ma promise ; je l’aime et elle est censée m’aimer. Mais, et qu’elle comprenne bien cela, il faut que tout soit cartes sur table. J’ai ma fierté aussi, moi !

— Allons, dit le prince, je vois qu’il est nécessaire que je vous explique ce que c’est que l’amour : l’amour se mesure à la bonté du cœur. Que vous soyez fier, c’est fort possible ; mais elle, de son côté, ne peut-elle avoir aussi quelque estime de soi ? Je ne parle pas de moi. Peut-être, si l’on voulait s’enquérir si minutieusement de votre conduite à vous, trouveriez-vous embarrassant de devoir tout expliquer ?

— Cela n’est pas répondre, dit le jeune homme. Vous savez bien qu’un homme est un homme, et qu’une femme n’est qu’une femme ; ça, c’est reconnu partout, haut et bas. Je vous fais une question, je vous la répète : je ne sors pas de là. — Il traça une ligne à terre, et y posa le pied.