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LE ROMAN DU PRINCE OTHON


Mais M. Gottesheim reprit avec insistance : — Il y a longtemps qu’il travaille sur cette ferme, Monsieur, et, à mon âge avancé (car j’aurai septante-huit ans, vienne la moisson), cela pourrait causer de l’embarras au propriétaire, de ne savoir qui mettre à ma place. Pouvoir compter sur Fritz, cela serait toujours un souci d’évité. Je crois pouvoir dire qu’il se laisserait tenter par une situation permanente.

— Le jeune homme a des idées subversives, répliqua Othon.

— Peut-être, cependant l’acheteur… recommença Killian.

L’impatience alluma une légère rougeur sur la joue d’Othon : — L’acheteur, dit-il, c’est moi.

— C’est ce que j’aurais dû deviner, répondit le vieillard, en saluant avec une dignité obséquieuse. Vous avez rendu un vieux paysan bien heureux, et je puis dire, en vérité, qu’à mon insu j’ai donné l’hospitalité à un ange. Monsieur, si seulement les grands de ce monde (et par ces mots j’entends ceux dont la position est puissante) avaient le cœur placé comme vous, que de foyers se rallumeraient, que de pauvres gens retrouveraient des chansons !

— Il ne faut pas juger trop sévèrement, Monsieur, dit Othon ; nous avons tous nos faiblesses.

— Cela est bien vrai, fit M. Gottesheim avec onction. Et sous quel nom dois-je connaître mon généreux propriétaire ?

Le double souvenir d’un voyageur anglais qu’il avait, la semaine auparavant, reçu à la cour, et d’un vieux chenapan de la même nation que dans sa jeunesse il avait connu, vint fort à propos à l’aide