Page:Stevenson - Le Roman du prince Othon.djvu/49

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
33
PRINCE ERRANT

taisie pour l’endroit, fantaisie à laquelle vinrent se mêler de nouveaux sentiments. Si tout ce qu’il apprenait était exact, Grunewald menaçait de devenir assez malsain pour un prince régnant. Il pourrait être sage de se préparer un asile ; et quel ermitage plus charmant pouvait-on concevoir ? M. Gottesheim, de plus, avait évoqué sa sympathie. Tout homme, au fin fond de son cœur, aime assez à jouer le rôle de génie bienfaisant. Paraître sur la scène au bon moment, pour prêter aide au vieux fermier qui l’avait si fort maltraité en paroles, cela sembla au prince l’idéal d’une belle revanche. À cette perspective ses idées se ranimèrent, et il recommença à se considérer lui-même avec quelque respect.

— Je crois, dit-il, pouvoir vous trouver un acheteur ; quelqu’un qui serait heureux de continuer à profiter de votre expérience.

— Est-il possible, Monsieur ! s’écria le vieux. Ah ! je vous serais fièrement obligé ; car je commence à voir qu’un homme a beau s’exercer toute sa vie à la résignation, c’est comme la médecine : au bout du compte on ne réussit jamais à s’y faire.

— S’il vous convient de faire préparer le contrat, vous pouvez même grever l’acheteur de votre intérêt personnel, dit Othon, pour que l’usufruit vous en soit assuré pour la vie.

— Votre ami, hasarda Killian, votre ami, il ne voudrait pas sans doute laisser aussi les droits de réversion ?… Fritz est un bon gars.

— Fritz est jeune, dit froidement le prince. Qu’il s’obtienne une position par ses efforts, et non par héritage.