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LE ROMAN DU PRINCE OTHON


— Non pas, répliqua Othon ; c’était la vérité. Hélas ! oui, la vérité. Je suis bien tel qu’ils m’ont dépeint, bien tel… et pire encore.

— Ah ! par exemple ! s’écria Ottilie. Est-ce comme cela que vous agissez ? Ma foi, vous ne feriez qu’un pauvre soldat ! Moi, qu’on m’accuse, je ne me laisse pas faire : je réponds, moi ; ça ne fait ni une ni deux, et j’ai la langue bien pendue… Oh ! je me défends, allez ! Je ne laisserais reconnaître mon tort par personne, pas même si je l’avais sur le front. Voilà comment il faut faire, si vous voulez qu’on vous respecte. Mais, vrai, je n’ai jamais entendu pareille sottise… on dirait que vous êtes honteux. Vous êtes chauve aussi, peut-être ?

Othon ne put s’empêcher de rire. — Oh ! j’abandonne celle-là ; non, je ne suis pas chauve.

— Et bon ? Allons, voyons, vous savez bien que vous l’êtes, bon ; je vous forcerai à le dire… Votre Altesse, je vous demande humblement pardon, c’est sans vouloir vous manquer de respect. Et puis, au fond, vous savez que vous l’êtes.

— À cela que dois-je répondre ? Vous êtes cuisinière, et vous faites même une cuisine excellente (je saisis l’occasion pour vous remercier de ce ragoût). Eh bien, n’avez-vous jamais vu de bonnes choses si diaboliquement accommodées par une cuisine inepte, que personne ne pouvait manger le fricot ? Voilà mon cas, ma chère. Je suis tout plein de bons ingrédients, mais le plat ne vaut rien. Je suis, je vous le donne en un mot… du sucre dans la salade.