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LE ROMAN DU PRINCE OTHON

Onde, futiles l’un et l’autre au suprême degré dans la cosmologie des hommes. Onde et Prince : Prince et Onde…

Il sommeillait déjà depuis quelque temps, sans doute, quand le son d’une voix le rappela à lui. — Monsieur… disait-elle. Il se retourna et vit la fille du fermier qui, du bord de l’eau, et tout effrayée de sa propre hardiesse, lui faisait timidement signe. C’était une bonne et honnête fille, florissante de santé, heureuse, vertueuse. Belle de cette beauté que donnent le bonheur et la santé, sa confusion lui prêtait pour le moment un charme de plus.

Othon se leva, et, s’approchant d’elle : — Bonjour, dit-il. Je me suis levé de bonne heure… Je rêvais.

— Oh ! Monseigneur, s’écria la jeune fille. Je viens vous supplier d’épargner mon père, car je puis assurer Votre Altesse que s’il avait su qui vous étiez il se serait coupé la langue plutôt. Et Fritz aussi. Comme il s’est conduit ! Mais moi je me doutais bien de quelque chose, et ce matin je m’en fus droit à l’écurie, et qu’est-ce que je vois ?… La couronne de Votre Altesse sur l’étrier ! Mais, oh ! Monseigneur, je me suis bien dit que pour sûr vous les épargneriez : car ils étaient innocents comme des agneaux.

— Ma chère, dit Othon, à la fois amusé et flatté, vous vous méprenez. C’est moi qui fus dans mon tort ; je n’aurais pas dû taire mon nom, et amener ces messieurs à parler de moi. Et c’est moi qui vous supplie de vouloir bien garder mon secret et ne pas révéler mon manque de courtoisie.