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PRINCE ERRANT

Othon, assez déconcerté par cette déclaration, se hâta de changer de terrain. — Néanmoins, dit-il, ce que vous me racontez de ce prince Othon m’étonne. À vrai dire, on me l’avait peint sous des couleurs plus agréables. On m’avait dit qu’au fond c’était un brave garçon, qui ne faisait tort qu’à lui-même.

— Cela, c’est bien vrai, s’écria la jeune fille. C’est un beau prince et bien aimable ; et l’on en sait plus d’un qui se ferait tuer pour lui.

— Bah !… Kuno, dit Fritz. Un être ignorant !

Le vieillard éleva de nouveau sa voix chevrotante. — Kuno ! Ah ! oui, Kuno ! Comme Monsieur est étranger et paraît curieux de ce qui concerne le prince, je crois en vérité que cette histoire pourrait le divertir. Il faut donc vous dire, Monsieur, que ce Kuno fait partie du train de chasse. Un garçon sans éducation, buveur, tapageur : un vrai Grunewaldien, comme nous disons en Gérolstein. Nous le connaissons assez, car il a poussé plus d’une fois jusqu’ici, à la recherche de ses chiens égarés, et tous les gens sont bienvenus dans ma maison, de quelque position, de quelque pays qu’ils soient. Du reste, entre Gérolstein et Grunewald, la paix dure depuis si longtemps que les routes, comme ma porte, sont ouvertes à tout venant, et les oiseaux eux-mêmes ne se préoccupent pas plus des frontières, que les gens d’ici.

— En effet, dit Othon, cela a été une longue paix ; une paix de siècles.

— De siècles, comme vous le dites, Monsieur ; et ce serait d’autant plus dommage si elle ne devait pas durer toujours. Enfin, pour en revenir à ce