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LE ROMAN DU PRINCE OTHON

Elle s’assit, les yeux baissés, comme une vierge attendant l’appel de l’amour, tiraillant le gazon de ses doigts effilés. La voix de la brise, se jouant dans la forêt, grandissait et se mourait, se rapprochait d’eux à la course pour s’éteindre au loin en murmures affaiblis. Plus près, sous la haute ramée, un oiseau chantait d’une voix inquiète, entrecoupée. Tout cela était comme un prélude hésitant : il semblait à Othon que le cadre de la nature entière attendait ses paroles, et toujours l’orgueil le retenait dans le silence. Plus il regardait cette main blanche et fine arrachant les brins d’herbe, plus le combat devenait dur entre l’orgueil et son bienfaisant adversaire.

— Séraphine, dit-il enfin, il importe que vous sachiez une chose : jamais je… Il allait dire ? Jamais je ne vous ai soupçonnée. Mais était-ce bien vrai ? Et même, eût-ce été vrai, était-ce généreux d’en parler ? Il se fit un silence.

— Dites, je vous en prie, fit Séraphine. Par pitié, dites !

— Je voulais seulement dire, reprit-il, que je comprends tout, et que je ne puis vous blâmer. Je comprends combien la femme courageuse doit mépriser l’homme faible. Je crois que sur certains points vous eûtes tort, mais j’ai essayé de comprendre, et j’ai compris. Point n’est besoin d’oublier ni de pardonner, Séraphine, car j’ai tout compris.

— Je sais ce que j’ai fait, dit-elle. Je ne suis pas assez faible pour me laisser tromper par des paroles bienveillantes. Je sais ce que j’ai été… Je me vois moi-même. Je ne mérite pas même votre colère, comment mériterais-je votre pardon ? Dans